Inflorenza de Thomas Munier, “un jeu de rôle pour incarner des héros, des salauds et des martyrs dans l’enfer forestier de Millevaux.”
Exemple de Partie
Tes paroles ne m’atteignent pas, compte-rendu rédigé par l’auteur avec explications des règles.
Description Courte
Inflorenza est d’abord un jeu de rôle, avec ou sans MJ, dont le but est de raconter des histoires épiques, volontiers sombres, en partageant la narration autour de la table, et avec un système qui laisse une très grande partie du contrôle aux joueureuses.
La principale particularité d’Inflorenza est son système minimaliste : la fiche de personnage n’est qu’une feuille vierge sur laquelle lae joueureuse va écrire des phrases. Ces phrases représentent les souvenirs, les possessions, les désirs, les souffrances et les questionnements du personnage. Malgré ce minimalisme, Inflorenza possède bien un système de jeu, puisque l’écriture des phrases est régie par le mécanisme de résolution des actions des personnages. Ainsi, lors d’un conflit, les jets de dés indiqueront combien de phrases écrire (ou barrer), et si ces phrases doivent être négatives ou positives pour le personnage. De même, ces phrases, en plus de construire narrativement le personnage, déterminent le nombre de dés à lancer lors d’un conflit.
Par ailleurs, ces phrases doivent se rapporter à un Thème, choisi ou tiré au hasard parmi une liste préétablie, afin de garantir la cohérence de l’univers et des événements. Ce sont ces Thèmes qui vont influencer profondément l’esthétique de la partie, en modifiant le type de conséquences que peuvent avoir les événements. Dans la version “standard” d’Inflorenza, ils sont au nombre de 12, et se rapportent à l’univers forestier de Millevaux : Folie, Mémoire, Nature, Emprise, Égrégore, Société, Clan, Religion, Science, Amour, Pulsions et Chair.
Mais encore :
Inflorenza est un jeu de rôle orienté vers l’immersion et l’esthétisme. Cela est rendu possible par le principe des “Thèmes” qui vont être associés aux conséquences des actions des personnages. Ces Thèmes sont, à mon sens, toute l’âme du jeu. Ils garantissent à la fois la diversité des situations (une conséquence liée au Thème “Clan” et une au Thème “Pulsions” seront très différentes) et la cohérence de l’esthétique du jeu, puisque toutes les actions des personnages s’y rattachent.
Les sujets abordés, même s’ils peuvent varier, sont l’épique, le surnaturel, l’horreur, le sacrifice, et les conséquences inévitables d’actions grandioses (ou misérables). Comme le dit son auteur, il s’agit de jouer “des héros, des salauds et des martyrs”, et il ne faut pas avoir peur d’incarner un personnage qui pèse dans la balance (politique ou magique). Il est d’ailleurs courant, du coup, que les personnages soient en opposition plutôt qu’en coopération, ce qui n’est pas un problème tant que les joueureuses sont là pour s’aider à créer une histoire.
Le système et les Thèmes de base sont parfaits pour jouer dans Millevaux, avec une ambiance très forte en mysticisme, en relations complexes et…en arbres. Il est toutefois possible de modifier ces Thèmes pour jouer dans une ambiance légèrement différente, ou pour rajouter des thématiques particulières. Le livre de règles comporte ainsi plusieurs “Théâtres” différents, chacun avec ses propres Thèmes et des idées d’enjeux intéressants à explorer.
Pourquoi j’aime :
En premier bon point, Inflorenza est un jeu très simple à apprendre, mais qui permet des choses très ambitieuses. Les règles tiennent en une feuille A4 (sans forcer) mais permettent malgré tout des parties très riches et complexes.
C’est dû, je pense, au fait qu’Inflorenza est avant tout un système de contraintes narratives, parce qu’il relie les situations à des Thèmes pré-établis, et encourage donc à toujours ancrer les événements dans un cadre donné. Ce cadre va être à la fois assez complexe, puisqu’on va l’improviser au fur et à mesure, au gré des conséquences des événements causés par les tiraillements entre les volontés de plusieurs personnages ; tout en étant cohérent, d’abord par le fait de raccorder toutes les phrases des fiches de personnages aux mêmes Thèmes, et aussi parce que ce contexte émerge des personnages et vit avec eux.
Ensuite, c’est justement ce bon équilibre entre complexité et cohérence qui permet à mon sens une très forte immersion dans une ambiance.
Je suis un·e joueureuse esthétique, j’assume, rien ne me fait tant plaisir, dans une partie, que de camper des scènes fortes en sachant que le système de jeu ne va pas me punir pour y avoir mis des enjeux trop grands ou pour avoir eu des idées trop épiques, bien au contraire. Ce sentiment d’écrire une histoire presque entièrement improvisée mais avec des enjeux très forts et cohérents est pour moi ce qui me plaît le plus.
Enfin, le dernier point fort majeur d’Inflorenza est le partage de la narration avec un fonctionnement par “instances”, où chacun·e est libre à son tour de faire ce qu’iel veut. Ça se rapproche du théâtre d’impro, donc on aime on on n’aime pas, mais quand on accroche on a un réel sentiment de liberté.
Les limites :
J’ai commencé les bons points par le fait qu’Inflorenza était un jeu simple à apprendre. C’est vrai, les règles s’expliquent en 2 minutes, à l’arrache avant la partie s’il le faut. Mais c’est aussi un jeu complexe, parce qu’il a toutes les difficultés des jeux narratifs sans MJ. Notamment, la communication est beaucoup plus importante au sein d’un groupe de joueureuses à égalité que quand il y a un·e MJ dont la vision et la compréhension des événements priment.
C’est pourquoi il existe le rôle du Confident, sorte de Facilitateurice plutôt que de MJ, qui est là non seulement pour expliquer les règles si besoin, mais aussi et surtout pour aider à la cohérence, à la réflexion et à la fluidité de la partie. La version complète des règles (pas celle en 1 page) s’adresse notamment à la personne qui endossera cette responsabilité, parce que d’expérience, elle n’est pas anodine.
L’autre limite importante, c’est que malgré toute la liberté que j’ai mise en avant jusqu’à présent, Inflorenza n’est pas un jeu où “vous pouvez faire ce que vous voulez, votre imagination est la seule limite”. De mon point de vue, pour qu’Inflorenza fonctionne il faut que tout·e·s les joueureuses jouent des personnages qui peuvent amener des enjeux complexes et importants. Sinon, il peut être difficile de lier les conséquences de leurs actions aux Thèmes de la partie, qui sont volontairement assez larges.
Il vaut ainsi mieux avoir des personnages uniques, puissants, avec des volontés fortes, que des personnages qui vont se faire ballotter par les événements sans les influencer. Il ne faut pas avoir peur de jouer un personnage qui, dans un autre JdR, serait un PNJ majeur dans le scénario (un·e chef·fe de faction, un·e mage puissant·e, l’antagoniste principal·e…), puisque ce sont justement les personnages qui vont construire tout le scénario.
Des conseils, des idées :
Étant données les difficultés dont je parle juste au-dessus, il y a plusieurs choses qui sont possibles pour au moins partir du bon pied.
- Pour bien s’approprier le Théâtre dans lequel on va jouer, être sûr·e·s que tout le monde a à peu près les mêmes attentes/images en têtes :
- Lire les descriptions de chaque Thème (dans la version complète des règles, ou dans la description du Théâtre),
- Discuter ensemble pour changer des Thèmes si on veut explorer d’autres dynamiques,
- Créer à tour de rôle un lieu et un PNJ chacun, associés à un Thème différent.
- Pour éviter l’angoisse de la feuille blanche en début de session ou d’instance, écueil des jeux narratifs :
- Tirer des personnages aléatoirement à étoffer ensuite (il y a des générateurs tout près sur Chartopia pour des personnages Millevaux : version courte et version complète),
- Utiliser des aides de jeux diverses (notamment Nervure pour Millevaux en version pdf ou sur Chartopia, mais aussi Muses & Oracles pour une ambiance plus générique par exemple),
- Ne pas avoir peur de déléguer ! Demander autour de soi ce que les autres joueureuses ont envie d’explorer comme enjeux non résolus.
- Créer son propre Théâtre (soit seul·e, à condition d’être ensuite Confident, soit en groupe) est aussi une bonne façon de poser clairement les enjeux. Pour cela, plusieurs façons, combinables bien sûr :
- S’inspirer d’une histoire ou d’un univers qui nous intéresse, tant qu’il contient du surnaturel et permet de l’épique, et voir quels Thèmes doivent être changés (bientôt un article avec un Théâtre de mon cru),
- Comme ci-dessus, mais réaliser à mi-chemin que quelqu’un l’a déjà fait, et essayer leur Théâtre à la place (par exemple, pour l’Attaque des Titans, voir le Théâtre de kF à ce sujet il est vraiment bien),
- Une fois les Thèmes choisis, créer un PNJ et/ou un lieu pour chaque, pour avoir assez d’idées pour lancer la partie.
- Laisser des questions ouvertes, à la fois en termes d’événements possibles (le Théâtre n’est qu’un décor, pas un scénario), et aussi sur certains détails qui permettent à tout le monde de se l’approprier
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